Confirmation du droit d’abandonner à la société Enedis les colonnes montantes d’électricité en l’état
Il est désormais bien difficile pour un juriste, qu’il soit privatiste ou publiciste, d’ignorer la fameuse controverse juridique relative aux colonnes montantes d’électricité.
On rappellera que ces colonnes, qui visent à alimenter chaque étage d’un immeuble en électricité, font l’objet, eu égard à la vétusté présumée d’une grande partie d’entre elle, d’une véritable bataille juridique entre le gestionnaire de réseau exploitant 95% des réseaux publics de distribution d’électricité métropolitain sous monopole légal, à savoir la société Enedis, et les copropriétaires de résidences ou office publics d’habitat possédant un parc immobilier souvent dense : l’enjeu de cette bataille réside dans la prise en charge du coût des travaux d’entretien et de renouvellement de ces ouvrages.
La litige en cause dans la décision commentée était topique de cette bataille : par une requête enregistrée devant le Tribunal administratif d’Amiens, la société Enedis (ex ERDF) avait contesté la légalité de la délibération du 5 février 2013 par laquelle l'Office public de l'habitat de l'Aisne avait décidé d’abandonner unilatéralement à cette société ses droits de propriété sur l'ensemble des colonnes montantes dont il pourrait être propriétaire. La société sollicitait parallèlement la suspension de cette délibération ; ces deux requêtes furent rejetées, l’une par le juge des référés du Tribunal administratif d’Amiens (TA Amiens, Ordonnance, 5 juin 2013, n° 1301241, ERDF), l’autre par le Tribunal lui-même (TA Amiens, 17 février 2015, n° 1301146, ERDF). C’est de ce dernier jugement qu’était saisi en l’espèce la Cour administrative d’appel de Douai par la société Enedis. Elle avait sursis à statuer et, aux conclusions contraires de son rapporteur public J.-M. Riou qui estimait la juridiction administrative incompétente, décidé de renvoyer la question au Tribunal des conflits (CAA Douai, 22 décembre 2016, société Enedis, n°15DA00675).
Dans sa décision du 15 mai 2017 (TC, 15 mai 2017, Société Enedis c/ Office public de l’habitat de l’Aisne, n° 4079), le Tribunal des conflits a rappelé que l’acte, la délibération ou la décision d'une personne publique, qui affecte le périmètre ou la consistance de son domaine privé, est détachable de la gestion de ce domaine de sorte que la contestation relative à cet acte ressortit à la compétence du juge administratif. Faisant application de cette solution bien établie (TC, 22 novembre 2010, SARL Brasserie du Théâtre c/Commune de Reims, C 3764), il a estimé en l’espèce que la délibération par laquelle l’office public avait fait abandon de ses droits sur les colonnes montantes au concessionnaire de la distribution publique d’électricité était détachable de la gestion du domaine privé et que les conclusions à fin d’annulation présentées par la société Enedis ressortaient à la compétence de la juridiction administrative. Il appartenait donc désormais à la Cour de juger le litige au fond et il est peu douteux que sa décision allait être scruter.
C’est qu’en effet, on l’a dit, la décision commentée intervient au cœur d’une bataille juridique qui tend à s’intensifier sur l’ensemble du territoire et qui concerne ce que l’on a pu qualifier de véritable « angle mort » du service public de la distribution d'électricité. Or, ce service public doit être exploité dans des conditions protectrices de la sécurité du réseau et de la continuité du service. L’ensemble des enjeux, qui dépasse de loin le litige en cause dans la décision commentée, a conduit le législateur a décidé, par l'article 33 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, la remise d'un rapport sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d'habitation dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi. A ce jour, bien que remis au Sénat par le Gouvernement, ce rapport n’a toujours pas été rendu public.
Si la décision commentée prend place dans une controverse juridique plus large, elle témoigne de ce que la société requérante avait revu sa stratégie contentieuse depuis l’intervention du jugement du Tribunal administratif d’Amiens. On peut penser que l’évolution de la controverse, l’échange public des arguments, ont incité – voire contraint – la société requérante à développer, au fond, une série de moyens étayés par une argumentation juridique plus étoffée et plus précise, du moins en apparence.
1) La société formulait tout d’abord un moyen tiré des conséquences de la vétusté présumée des colonnes montantes ou de leur mauvais entretien. Afin de répondre à ce moyen la Cour a rappelé que l’article 15 du cahier des charges avait prévu, par des stipulations claires présentant un caractère réglementaire « la possibilité pour les propriétaires des immeubles situés dans le périmètre des concessions de réseaux d’électricité, qui ont conservé la propriété des colonnes montantes de distribution d’électricité, de faire abandon de leurs droits sur ces ouvrages au concessionnaire sans condition de fond tenant, notamment, à l’état de ces derniers ». Ce faisant, pour la Cour, la société Enedis ne pouvait ignorer cette clause en sa qualité de signataire du contrat de concession et dès lors « ne pouvait donc ignorer l’éventualité de la mise en œuvre des dispositions de (l’)article 15 ». Dans ses conclusions, J.-M. Riou affirmait en ce sens que « la signature de la clause emporte consentement à l’usage éventuel de la clause (nous soulignons) ». Dans cette perspective, le concessionnaire ne peut se contenter d’affirmer, sans aucune preuve, qu’il est fait abandon à la concession d’ouvrages vétustes ou en mauvais état d’entretien puisqu’il a signé un contrat qui ne dit rien de cette hypothèse. Ce raisonnement, qui revient à dire que le concessionnaire est pris à son propre piège pour avoir consenti à cette clause qui correspondait à une époque où elle l’arrangeait pour être synonymes d’électrification, la Cour va le répéter constamment dans son arrêt, refusant de lire la clause autrement que de façon purement littérale ; en miroir, la société requérante ne va cesser de s’y cogner.
L’argument principal de la société requérante était lié à son droit de propriété. Les premiers juges avaient pris soin de relever que l'obligation d'entretien et de renouvellement incombant au concessionnaire en cas d’abandon d’une colonne au réseau trouvait une contrepartie dans l'abandon à son profit des droits antérieurement détenus par le propriétaire, mais surtout poursuivait « l'objectif d'intérêt général, eu égard notamment aux risques que peuvent présenter de tels équipements en cas de défaut d'entretien, d'intégrer dans la concession l'ensemble des équipements concourant à la livraison de l'énergie électrique jusqu'au branchement individuel ». A bien des égards, cette formulation pouvait être envisagée comme une façon de justifier la solution rendue au regard des contraintes imposées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui juge de longue date qu’en l'absence de privation du droit de propriété, « il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi » (Décision n° 2015-518 QPC du 2 février 2016). C’est semble-t-il ainsi que l’a entendu la société requérante, décidant dès lors de soulever le moyen, pouvant sembler curieux s’agissant d’une acquisition et non d’une privation, tiré d’une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, moyen qui se divisé en trois branches.
En premier lieu, la société estimait que l’acquisition d’une propriété est normalement subordonnée au libre consentement de l’acquéreur. La Cour a néanmoins jugé qu’elle « y a consenti à l’avance en concluant le contrat de concession, au regard des stipulations claires de l’article 15 » : c’est la répétition de l’argument du consentement à la clause et donc à son application. En deuxième lieu, la société requérante faisait valoir que l’abandon décidé par la délibération litigieuse constituait « une charge pour l’entreprise qui va grever son patrimoine d’un passif » et qu’elle aurait donc dû être subordonnée à un état des lieux contradictoires et au versement d’une juste et préalable indemnité. La société entendait se placer sur le terrain de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, c’est-à-dire de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Néanmoins, la Cour a estimé que cette « seule circonstance n’était pas de nature à subordonner la procédure mise en œuvre à un état des lieux contradictoire et au versement d’une juste et préalable indemnité dès lors que ni les stipulations de l’article 15 du contrat de concession, ni aucune autre disposition ou principe ne le prévoient ». Enfin, en troisième lieu la société requérante estimait que la charge était constituée non seulement par le transfert in abstracto, mais également par l’état des colonnes effectivement transférées. La Cour a jugé à la fois que la société Enedis n’établissait pas in concreto que l’état d’entretien des colonnes montantes en cause serait tel que leur transfert devrait être regardé comme créant une telle charge, mais surtout que, dans le cas contraire il appartiendrait alors au concessionnaire « de rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de l’ancien propriétaire à raison des manquements qu’il aurait commis avant le transfert de ses droits » Ce faisant la Cour suivait les premiers juges qui avaient réservé une voie de droit ouverte à la société concessionnaire en cas de préjudice consécutif à l'abandon. ». Précisons que la mise en avant de cette voie de droit a également permis à la Cour de rejeter le moyen tiré de la rupture d’égalité entre « les propriétaires des colonnes montantes qui, par acte d’abandon, feront supporter le coût de leur négligence par la collectivité des consommateurs d’électricité, et les propriétaires diligents qui ont assuré l’entretien de leurs colonnes et seront amenés par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité à contribuer à la remise en état des colonnes vétustes ».
Faisant feu de tout bois, la société requérante faisait également valoir une atteinte portée au principe d’équivalence entre le tarif et les charges du service public à caractère industriel et commercial rendu à l’usager par la délibération attaquée. Ce principe général du droit des concessions (CE, 30 septembre 1996, Société Stéphanoise des Eaux, Rec. p. 355) est expressément posé pour l’ensemble des concessions par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession mais, s’agissant plus particulièrement des concessions de distribution publique d’électricité, il résulte de dispositions spécifiques incluses dans le Code de l’énergie. L’argument de la société requérante était que le financement de la remise en état des colonnes montantes desservant certains usagers – qu’elle estimait en mauvais état sans jamais l’étayer – conduirait à une hausse illégale du tarif de l’ensemble des usagers. Pour rejeter le moyen, la Cour a relevé à la fois que les dépenses ainsi mises à la charge du concessionnaire ne sont pas étrangères à l’objet de la concession et entrent dans le champ des missions du concessionnaire et qu’en tout état de cause, la hausse des tarifs « trouverait sa contrepartie dans un service amélioré rendu aux usagers du service public de distribution de l’électricité.
La société requérante faisait enfin valoir que la délibération litigeuse portait atteinte au principe de sécurité juridique. Ce dernier, à l’ancrage constitutionnel récemment assumé par le Conseil d’Etat (CE, 21 janvier 2015, Société EURL 2B, n° 382902), impose en effet « à l’autorité investie du pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, une réglementation nouvelle » (CE, 24 mars 2006, Société KPMG, n° 288460 et suivants). La Cour n’a cependant pas eu de difficulté a relevé que la délibération litigeuse ne présentait pas le caractère d’une réglementation nouvelle, mais celui d’une « mesure d’application, susceptible d’intervenir à tout moment, d’une stipulation contractuelle de caractère réglementaire à laquelle l’appelante a consenti et dont elle ne pouvait ignorer ni l’existence, ni les conséquences ». Dès lors, la société requérante ne faisant état d’aucun élément justifiant « qu’au regard de circonstances particulières liées aux conditions dans lesquelles elle serait intervenue » la délibération litigeuse porte atteinte au principe, le moyen a été rejeté.
2) La décision commentée vient mettre un sérieux coup d’arrêt à la démarche de la société Enedis. Rigoureuse en apparence, elle pâtit néanmoins de deux écueils : d’une part, elle n’est fondée que sur une interprétation des textes en vigueur très défavorable à la société requérante ; d’autre part et surtout, elle souffre d’une sorte d’erreur de perspective sur la spécificité des concessions de distribution publique d’électricité.
a) La décision commentée est d’abord éminemment défavorable à la société requérante par suite d’un choix consistant à lire les textes de façon systématiquement contraire à ses prétentions. Ainsi, dès l’ouverture de l’arrêt, après avoir rappelé les textes applicables, la Cour a pris soin de relever qu’il résultait du droit en vigueur « qu’à compter du 13 novembre 1946, date de publication du décret du 8 novembre 1946, les colonnes montantes de distribution d’électricité qui appartenaient à des personnes privées ont été incorporées dans le réseau de distribution d’électricité à moins que le propriétaire n’ait expressément décidé d’en conserver la propriété, à charge pour lui, dans ce cas, d’en assurer l’entretien et le renouvellement ; qu’il lui est toutefois toujours loisible d’abandonner ses droits sur ces ouvrages, dans leur état d’entretien, au profit du concessionnaire du réseau de distribution d’électricité, lequel doit alors en assurer l’entretien et le renouvellement à ses frais (Nous soulignons) ». Poser ce cadre très général, c’était paraître rappeler l’état du droit en vigueur sans réellement l’interpréter. Pourtant, la question de savoir si les colonnes montantes pouvaient être transférés « en l’état » formait précisément le cœur du litige. De sorte que, dès le départ, les juges ont opté pour une interprétation des textes qui donnait tort à la société Enedis. Or cela ne cessera d’être confirmé par la suite ainsi qu’on va le montrer.
Afin d’affirmer que la norme comprise dans les stipulations de l’article 15 autorisait parfaitement l’abandon « en l’état », la Cour s’est appuyée sur une lecture purement littérale de cette clause, là où plusieurs auteurs estiment nécessaire d’en avoir une lecture tenant compte de la nature économique de l’activité exploitée. Pour autant, la Cour n’a pas hésité, pour motiver le rejet d’autres moyens, à opter pour une lecture fonctionnelle des textes, comme lorsqu’elle affirme sans l’expliquer qu’il résulte de ces textes que « les colonnes montantes d’électricité des immeubles à usage collectif d’habitation ont vocation à être incorporées au réseau concédé (nous soulignons) » et qu’elle qualifie la clause d’abandon de simple « modalités de cette incorporation ». Elle fait ainsi complétement basculer l’interprétation des textes dans une logique fonctionnelle, c’est-à-dire celle qui se détachant du texte, s’attache davantage au contexte de son application et ce faisant, l’arrêt paraît moins rédigé dans une logique de motivation que de justification. Le problème d’une telle méthode c’est que la recherche de la fonction ou de la finalité peut être menée dans des directions très diverses et contradictoires, comme en atteste les divergences entre la jurisprudence administrative et plusieurs juridictions judiciaires sur ce que signifient les stipulations litigieuses.
Ainsi, comme souvent en droit, tout dépend de la méthode d’interprétation des textes que l’on choisit. Il faut alors considérer que le juge administratif a clairement choisi de permettre l’abandon au réseau public d’électricité des droits sur les colonnes montantes sans contrepartie, ce qu’est venu conforter une décision postérieure du Tribunal administratif de Bordeaux (TA Bordeaux, 3 juillet 2017, société Enedis, n° 1504269). Mais, faute pour le juge de démontrer que son interprétation est en quoi que ce soit supérieure à celle des juges judiciaires qui en adoptent une autre, rien ne dit qu’elle sera suivie, ce qui est facteur de fragilité.
b) Il semble bien à la lecture de la décision que, pour l’essentiel, de nombreuses confusions entretenues par la société requérante n’ont pas été écartées par la Cour, rendant faillible son raisonnement.
Il en va ainsi de l’argument tiré de l’atteinte au droit de propriété de la société concessionnaire :
dans l’arrêt, la Cour a précisé que la délibération litigeuse n’avait pas « pour objet de priver la société Enedis de ses biens mais d’en faire entrer de nouveaux dans son patrimoine ». Or c’est là que le raisonnement de la Cour est biaisé : si la clause et la délibération qui la prend pour fondement évoquent un abandon des droits au concessionnaire, c’est en tant que ce dernier exploite la concession, pas en tant qu’il devient propriétaire de ces biens. Car ceux-ci sont des ouvrages de branchement qui font partie du réseau public de distribution en vertu de l’article L. 342-1 du Code de l’énergie. Or, ce réseau ne constitue ni un bien propre du concessionnaire, ni un bien de reprise, mais un bien de retour inaliénable : en vertu des dispositions de l’article L. 322-4 du Code de l’énergie, les ouvrages des réseaux publics de distribution appartiennent aux collectivités territoriales. Certes la concession est exploitée par le concessionnaire, de sorte que la faculté d’abandon a nécessairement un impact sur cette exploitation. Néanmoins, il ne dispose d’aucun droit de propriété sur les ouvrages de réseau que constituent, en tant qu’ouvrage de branchement, les colonnes montantes d’électricité. La jurisprudence administrative a ainsi jugé que les ouvrages de réseaux ne peuvent faire l’objet d’une appropriation privative même temporaire par le concessionnaire (CAA Nancy, 12 mai 2014, M. Mietkiewicz et autres, n° 13NC01303 et suivants). Ainsi, seul le droit de propriété du concédant est affecté par la délibération litigieuse en tant que le patrimoine de sa concession se trouve augmenté de nouveaux ouvrages. De sorte qu’en réalité, le moyen tiré de l’atteinte au droit de propriété de la société requérante est tout simplement inopérant (si l’on voulait parler avec le vocabulaire d’H. Kelsen, l’on pourrait même dire qu’il est juridiquement irrelevant).
L’argumentation du concessionnaire pourrait cependant être acceptable sous l’angle de la liberté d’entreprendre puisqu’il est censé exploiter librement la concession à ses risques et périls – on sait ce que cela a de fictif s’agissant de la distribution d’électricité, service public faisant l’objet d’un monopole législatif – et que l’éventuel charge financière représentée par les colonnes montantes est bien de nature à affecter cette exploitation. Reste que, là aussi, le Conseil constitutionnel estime « qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (Cons. const., 16 juill. 2009, déc. n° 2009-584 DC : Rec. Cons. const. 2009, p. 140). De sorte que si le concessionnaire avait soulevé ce moyen, on voit mal la Cour, eu égard au raisonnement fonctionnel mis en exergue plus haut, ne pas le rejeter.
Plus fondamentalement, le moyen tiré de l’atteinte au principe d’équivalence entre le tarif et les charges du service public à caractère industriel et commercial rendu à l’usager ne pouvait être traité, comme l’a fait la Cour, comme s’il s’agissait d’une concession classique. La distribution d’électricité est en effet un service public spécifique, exercé sous monopole et pour lequel le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité est calculé nationalement par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en fonction des charges de service public supportées par le gestionnaire de réseau (soit, précisément, la société Enedis). De sorte qu’en la matière, la péréquation tarifaire veut que, de toute façon, ce soit l’ensemble des usagers qui supportent le coup des charges de service public pesant sur le gestionnaire de réseau (l’entretien voire la remise aux normes des colonnes montantes pouvant y être inclus pour partie). Et la société Enedis ne peut pas comme elle l’affirme « augmenter ses tarifs » comme si elle était un concessionnaire classique : c’est à la CRE d’en décider. Il apparaît alors que, sur ce point comme sur les autres, la décision commentée aurait gagné à prendre en compte la spécificité des concessions de distribution publique d’électricité.
Ainsi, le rejet de la requête au terme d’une décision longuement motivée pourrait paraître venir clore le débat juridique devant le juge administratif sauf au Conseil d'Etat à en décider autrement en cas de pourvoi.