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Cabinet d'avocat à Paris

Contrôle restreint du juge administratif sur la durée d’exploitation d’une concession de mine

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La loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement est venue organiser la fin de la recherche et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures en France en fixant une échéance au 1er janvier 2040 aux concessions.

Nénamoins, elle ménage la situation des titulaires de permis de recherche exclusive, qui ont normalement droit à un permis d’exploitation selon les textes. La décision commentée vient préciser le cadre dans lequel l’administration peut fixer la durée des concessions d’hydrocarbures octroyés aux titulaires d’un permis de recherche.

La société Vermilion REP a sollicité l'octroi, pour une durée de vingt-cinq ans, de la concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dite "concession de la Conquillie" sur une superficie d'environ 36,39 km2, portant sur le territoire des communes de Bannost-Villegagnon, Bezalles, Boisdon, Chenoise, Jouy-le-Châtel et Saint-Hilliers (Seine-et-Marne). Par un décret du 2 février 2018, elle a finalement été autorisée à exploiter cette concession pour une durée de quinze ans. Insatisfaite de cette décision, la société a saisi le gouvernement d’un recours gracieux tendant à ce qu’il accroisse la durée à vingt-cinq ans. Sans réponse de la part du gouvernement, la société a saisi le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret du 2 février 2018 en tant qu'il fixe une durée de concession de quinze ans, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre ce décret. C’est de la légalité de ce décret dont le Conseil d’Etat devait juger dans la décision commentée ; il devait donc s’interroger sur la marge dont dispose le gouvernement pour fixer la durée d’une concession d’hydrocarbures

Deux précisions importantes doivent être apportées. S’agissant du contexte dans lequel le décret litigieux avait été pris, dans un premier temps, la société s’était vu opposer un refus implicite (au bout de trois ans en raison des dispositions spéciales applicables) à sa demande d’octroi de la concession, décision dont elle avait obtenu la suspension par le juge administratif faute pour l’administration d’en avoir communiqué les motifs (TA Pau, Ordonnance, 13 janvier 2017, société Vermilion REP SAS, n° 1602506). S’agissant du contexte dans lequel la décision commentée a été rendue, il faut mentionner que dans une décision rendue le même jour, le Conseil d’Etat a jugé que les nouvelles dispositions de l'article L. 111-12 du code minier qui limitent la durée de l’octroi d’une concession à l'échéance du 1er janvier 2040 afin d'organiser un arrêt progressif de la recherche et de l'exploitation d'hydrocarbures en France ne portaient pas, eu égard à l'objectif d'intérêt général poursuivi de limitation du réchauffement climatique en lien avec l'Accord de Paris du 12 décembre 2015 sur le climat, d'atteinte excessive au droit au respect des biens, garanti par les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE, 18 décembre 2019, IPC Petroleum, n° 421004 421336).

C’est dans ce cadre que, confirmant l’absence de droit absolu à obtenir une concession des titulaires d’un permis de recherche (I), le Conseil d’Etat a décidé, aux conclusions contraires de son rapporteur public Stéphane Hoynck, d’opérer un contrôle restreint sur la durée de la concession (II).

I. L’absence de droit absolu des titulaires d’un permis de recherche à obtenir une concession

Les faits de l’espèce en cause dans la décision commentée étaient sans lien avec l'échéance du 1er janvier 2040 puisque la durée retenue de quinze ans ne l’avait pas été pour tenir compte de cette date. La décision nécessitait donc de déterminer les prescriptions s’imposant au gouvernement lorsqu’il délivre une concession d’hydrocarbures, en particulier s’agissant du calcul de sa durée.

L’article L. 132-6 du code minier précise que « pendant la durée de validité d'un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l'intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d'un permis exclusif de recherches a droit, s'il en fait la demande avant l'expiration de ce permis, à l'octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l'intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci ». L'article L. 132-11 du même code précise que la durée de la concession, fixée par l'acte de concession, ne peut excéder cinquante ans. La société requérante, titulaire d’un permis de recherche, s’appuyait sur ces dispositions pour estimer que l’administration ne pouvait restreindre la durée de la concession qu’elle avait sollicitée pour vingt-cinq ans, sauf à établir précisément qu’une durée de quinze ans était suffisante pour l’exploitation complète du gisement en cause. Néanmoins, les textes prévoient de nombreuses conditions à l’octroi d’une concession de mines, excluant toute automaticité de l’acte d’octroi au titulaire d’un permis de recherche. Ainsi, l'article L. 132-1 du code minier précise que « nul ne peut obtenir une concession de mines s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d'exploitation et assumer (les obligations qui s’imposent à lui) ». Il habilité ainsi l’autorité administrative à vérifier que le demandeur possède bien, à la date de la demande de concession, les capacités nécessaires à l’exploitation avec la possibilité de refuser l’octroi de la concession en cas de réponse négative.

En outre, parmi les obligations qui s’imposent au titulaire d’une concession figurent notamment, selon l’article L. 161-1 du code minier, « les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, (...) à la conservation (...) de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (...), à la conservation des intérêts de l'archéologie (...) ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation » et « la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine ». De même, selon l’article L. 161-2 du code minier, l’exploitant est « tenu d'appliquer à l'exploitation des gisements les méthodes confirmées les plus propres à porter au maximum compatible avec les conditions économiques le rendement final de ces gisements ». On comprend alors que le droit d’obtenir une concession n’a rien d’absolu, même pour le titulaire d’un permis de recherche, et que, logiquement, le gouvernement dispose d’une marge d’appréciation pour délivrer la concession.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat a estimé qu’il résulte de l’ensemble des dispositions encadrant la délivrance d’une concession – notamment le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain - qu’avant de procéder à cette délivrance, l'administration « doit s'assurer que, en fonction de la durée d'exploitation accordée, l'exploitant de la concession disposera des moyens économiques et financiers pour exploiter le site et le remettre en état à l'issue de cette exploitation, afin de préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier ». Dans ce cadre, il appartient à l’administration de « fixer la durée de la concession, sans être liée par la demande qui lui est faite à cet égard, en se fondant sur les capacités techniques et financières du demandeur, sur la qualité des études préalables réalisées et la qualité technique des programmes de travaux présentés, lesquels s'apprécient notamment en fonction de la durée nécessaire à l'exploitation complète du gisement, compte-tenu de ses caractéristiques géologiques et des méthodes les plus appropriées pour en obtenir le meilleur rendement possible dans des conditions économiques rentables tout en veillant à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 (nous soulignons) ». Ainsi, lorsqu’elle délivre un tel permis, l’administration ne se trouve jamais « en situation de compétence liée pour fixer la durée de la concession ». En l’espèce, le Conseil d’Etat a estimé que l’administration avait pu « légalement se fonder, pour limiter à quinze ans la durée de la "concession de la Conquillie", sur les caractéristiques géologiques du gisement et sur l'appréciation des programmes de développement proposés pour l'exploiter, en prenant en compte le niveau d'investissement requis et les aléas identifiés ». La possibilité ainsi reconnu à l’administration n’épuise néanmoins pas le litige dès lors qu’il fallait encore déterminer si les motifs de la décision justifiaient de restreindre la durée de la concession.

II. Le contrôle très restreint du juge sur la durée de la concession

Libre d’apprécier de déterminer la durée en fonction de plusieurs éléments, l’administration ne peut cependant porter arbitrairement atteinte aux droits du titulaire d’un permis de recherche. En effet, si, comme l’a relevé Stéphane Hoynck dans ses conclusions, le droit de la société titulaire d’un permis de recherche n’est « pas un droit inconditionnel, dans la mesure notamment où le ministre peut, en se fondant sur l’insuffisance des capacités techniques ou financières, refuser la concession », il n’en demeure pas moins que lorsque le demandeur remplit les conditions « ce qui est normalement le cas d’un titulaire d’un permis de recherche, a une espérance légitime d’obtenir un permis d’exploitation ». Cette notion d’espérance légitime a été expressément consacrée par le Conseil d’Etat dans sa décision précitée IPC Petroleum dans laquelle il a estimé que les dispositions de l’article L. 132-6 du code minier sont de nature à faire naître, pour le titulaire du permis de recherche « l’espérance légitime d’obtenir une concession lui permettant d’exploiter le gisement découvert, sur une durée suffisante pour lui permettre d’assurer la rentabilité des investissements consentis ». Et le refus de mentionner la notion dans la décision commentée est sans conséquence sur la nécessité pour le juge de contrôler la décision de l’administration.

En l’espèce, la société faisait néanmoins valoir que, quand bien même l’administration n’aurait pas été en situation de compétence liée, elle aurait commis une erreur de droit et d’appréciation en fixant à quinze ans la durée de la concession délivrée car cette durée ne correspondrait pas à la durée nécessaire à l'exploitation complète du gisement compte tenu des réserves prouvées et probables de celui-ci et de sa faible productivité et que son programme d'investissement fondé sur le forage de trois puits supplémentaires est nécessaire, compte tenu des caractéristiques de ce gisement, pour porter son rendement final au maximum compatible avec les conditions économiques. La question essentielle était celle du degré du contrôle exercé par le juge administratif sur la durée retenue par l’administration pour la concession. Car, comme le relevait Stéphane Hoynck, l’administration ne dispose pas « d’une totale latitude pour déterminer la durée d’exploitation qui lui parait la plus adéquate » dès lors que « l’attente légitime d’un exploitant est de pouvoir bénéficier d’une concession lui permettant d’exploiter l’essentiel du gisement pour lequel il a consenti des investissements ». Il proposait dès lors à la formation de jugement d’opérer un contrôle normal sur le choix de durée retenue par l’administration « quelle que soit la technicité de la matière ».
En l’espèce, Stéphane Hoynck distinguait deux types de motifs ayant conduit l’administration à ne pas retenir la durée de 25 ans demandée et à opter pour une durée de quinze ans. Tout d’abord un argument technique relatif aux caractéristiques géologiques du tréfonds, puis un argument économique, relatif à l’équilibre économique du projet. S’agissant du motif technique, l’administration soutenait que « la distribution, l’abondance et la qualité des grés dans le secteur de La Conquillie dégrade la qualité de son réservoir, ce qui justifierait la réduction de la durée de la concession ». Sans contester l’analyse géologique, la société requérante faisait valoir pour sa part que la réduction de la durée de la concession ne constituait en rien une solution répondant à la moindre qualité du réservoir. S’agissant du motif économique, l’administration soutenait que le scénario de développement de la société requérante à l’appui de sa demande de concession pour une durée de vingt-cinq ans était trop optimiste au regard de la qualité du gisement et de son exploitabilité et que ce programme de développement exposait la société à un retournement du prix du pétrole. La société faisait valoir pour sa part que la réduction de la durée de l’exploitation ne pouvait constituer une réponse à la volatilité des prix : au contraire selon elle, plus la durée de l’exploitation serait longue, plus l’exploitant pouvait adapter la production aux réalités du marché. Pour Stéphane Hoynck, aucun des deux motifs invoqués n’était convaincant « alors d’ailleurs qu’au niveau des services d’instruction déconcentrés, la durée de 25 ans demandée par la société n’avait pas soulevé de difficulté ». Il conseillait dès lors à la formation de jugement de retenir une erreur de droit du ministre « à avoir réduit la durée de la concession en se fondant sur la supposée imprudence du plan d’investissement de la société et sur la qualité du site, sans véritablement prendre position sur la durée nécessaire pour assurer une exploitation optimale du gisement ». En effet « si l’administration dispose d’une marge pour limiter la durée de la concession, c’est bien au regard de l’adéquation de la durée probable d’exploitation avec celle de l’autorisation ». Et il convenait que cette erreur de droit serait plus judicieuse à retenir pour fonder l’annulation qu’une erreur de d’appréciation « difficile à manier ». C’était avouer une réalité bien connue des juristes : qu’il porte sur une matière technique ou non, le plein contrôle de la qualification juridique du fait conduit le juge dans ce type de contentieux à adopter une solution éminemment subjective, en tout cas difficile à faire paraître le résultat d’un contrôle rationnel.

C’est peut-être pour éviter ce type d’écueils que, refusant de suivre Stéphane Hoynck, le Conseil d’Etat a estimé que l’administration n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation « en accordant une autorisation de concession d'une durée de quinze ans, en raison de la mauvaise qualité du réservoir et en estimant trop optimiste le programme d'investissements de la société alors qu'un audit des réserves du site envisageait une possibilité d'exploitation à investissement constant sur une durée moins longue que celle demandée par la société ». Ce faisant, le Conseil d’Etat a entendu maintenir un contrôle restreint sur le choix de la durée, solution assez classique que l’on retrouve notamment sur la durée de certains contrats (pour la durée des concessions de distribution publique d’électricité, voir CAA Paris, 25 février 2013, Claustre, n° 12PA00593) et choix qui peut s’autoriser de précédents en matière de police des mines (CE, 30 juillet 1997, Association S.O.S. Environnement Portes, n° 159446). Il n’en demeure pas moins que, lue à l’aune des conclusions de Stéphane Hoynck, la solution retenue dans la décision commentée, qui rejette la requête de la société Vermilion REP, apparaît à bien des égards contestable tout en témoignant de la volonté de laisser à l’administration une forte marge d’appréciation sur la délivrance des concessions de mine et leur durée.

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