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Cabinet d'avocat à Paris

Quel rôle pour les collectivités territoriales dans le cadre du déploiement des dispositifs Linky ?

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Programmé à l’article L. 341-4 du Code de l’énergie, et se déroulant à un rythme rapide, le déploiement de dispositifs de comptage Linky par le gestionnaire de réseau génère d’importantes résistances motivées par ce que certains considèrent comme un triple risque pour la vie privée, la santé et la sécurité, auquel on doit ajouter les modalités pratiques du déploiement qui peuvent aboutir dans les faits à de nombreux litiges liés à un manque d’information ou au non-respect de la propriété privée.

Le service public de la distribution d’électricité conservant un caractère local malgré le monopole dont dispose la société Enedis sur 95 % des réseaux métropolitains, il est logique que les collectivités territoriales aient un rôle à jouer dans le cadre de ce déploiement, à condition de déterminer qui fait quoi.

I Les communes ne sont pas propriétaires des dispositifs Linky

La question s’est posée de savoir si les communes, qui n’avaient pas la qualité d’autorités concédantes, pouvaient néanmoins revendiquer la propriété des dispositifs Linky afin de justifier la compétence du conseil municipal pour réglementer leur déploiement. A cette question, la Conseil d’Etat a très clairement répondu non ; en effet, il a estimé qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales (relatif à la mise à disposition de plein droit des biens nécessaires à l’exercice d’une compétence transféré) L. 1321-2 du même code (renvoyant à la loi pour prévoir le transfert en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire), L. 322-4 du code de l'énergie (relatif à la propriété du réseau de distribution d’électricité par les collectivités territoriales ou leur groupements) et L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (définissant l’autorité organisatrice d'un réseau public de distribution) que « la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité est attachée à la qualité d'autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu'une commune transfère sa compétence en matière d'organisation de la distribution d'électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage » .

Il faut comprendre que, si en droit commun la loi prévoit que le transfert d’une compétence d’une commune à un établissement public n’entraîne qu’une simple mise à disposition de plein droit des biens nécessaires à l’exercice de la compétence transférée, ces dispositions générales s’articulent avec les dispositions propres à la distribution d’électricité, en particulier l’article L. 322-4 du code de l’énergie. Dès lors qu’une commune est membre d’un syndicat d’électricité ayant la qualité d’autorité organisatrice des réseaux publics de distribution d’électricité (souvent au niveau départemental en pratique), seul ce syndicat est propriétaire des dispositifs Linky, rendant la commune incompétente pour réglementer leur déploiement. Il n’est pas interdit de penser que cette interprétation de la loi pourrait inciter certaines communes à contester la constitutionnalité d’un tel transfert de propriété dénué de toute compensation, même s’il faut bien reconnaître qu’en l’état, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne va pas dans le sens de la protection de la propriété des personnes publiques .

II Les maires ne peuvent qu’exceptionnellement faire usage de leur pouvoir de police

Le maire est autorité de police administrative générale au sein de la commune et à ce titre, il pourrait user de ses pouvoirs réglementer le déploiement des dispositifs Linky. Afin d’encadrer cette possibilité, le Conseil d’Etat a estimé qu’il appartient « aux autorités de l'Etat de veiller, pour l'ensemble du territoire national, non seulement au fonctionnement optimal du dispositif de comptage au vu notamment des exigences d'interopérabilité mais aussi à la protection de la santé publique par la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques, en mettant en œuvre des capacités d'expertise et des garanties techniques indisponibles au plan local ». Il a également rappelé, s’agissant du principe de précaution, que celui-ci « ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions ». Dès lors, si le maire est habilité à prendre pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, « il ne saurait adopter sur le territoire de la commune des décisions portant sur l'installation de compteurs électriques communicants qui seraient destinées à protéger les habitants contre les effets des ondes émises » .

En conséquence, ni les pouvoirs de police générale, ni le principe de précaution n’autorisent les maires à suspendre le déploiement des dispositifs Linky sur le territoire de leur commune. Cette solution ne leur retire nullement la faculté de faire usage de leur pouvoir de police pour prévenir un trouble précis à l’ordre public. Il sera néanmoins nécessaire d’établir un risque particulier que le déploiement ferait courir pour la commune eu égards aux circonstances locales. Concrètement, cela veut dire qu’un maire peut réagir si le déploiement cause des troubles sérieux à l’ordre public sur sa commune, par exemple des violations systématiques de propriété privée ou un risque important d’incendie à raison de poses systématiquement déficientes. Dans les faits cependant, la preuve de l’existence de tels erreurs systématiques sur le territoire d’une commune paraît très difficile à rapporter.

On rappellera enfin que la jurisprudence autorise les conseils municipaux à préciser que le déploiement doit s’effectuer en garantissant aux usagers la liberté d’exercer leur choix individuel et sans pression pour refuser ou accepter l’accès à leur logement ou propriété et refuser ou accepter que les données collectées par le compteur soient transmises à des tiers partenaires commerciaux de l’opérateur restaient valides. Il s’agit en effet d’un simple rappel du droit existant qui n’emporte aucune conséquence juridique particulière .

Le rôle des communes paraît ainsi se limiter à voir le conseil municipal rappeler le droit existant ou à demeurer exceptionnel dans le cadre de la police administrative du maire, en cas de risque d’incendie avéré.

III Le rôle clé des syndicats d’électricité pour contrôler le déploiement

Si le spectre d’intervention des communes paraît ainsi clairement restreint, à l’inverse, tel n’est pas le cas des syndicats d’électricité dont elles font partie. Ces syndicats – ou certaines rares communes ayant conservé la compétence, comme la ville de Paris - ont la qualité d’autorité organisatrice du réseau public de distribution d’électricité. A ce titre, ils négocient et conclu les contrats de concession avec la société Enedis.

Face aux interrogations légitimes soulevées par le déploiement des dispositifs Linky, les syndicats disposent d’un pouvoir parfaitement adapté à la situation : celui de contrôler le bon accomplissement, par le gestionnaire de réseau de ses missions de service public ; il faut ajouter que les usagers peuvent les contraindre à opérer un tel contrôle . Ils peuvent vérifier que le déploiement s’effectue dans de bonnes conditions, notamment une prestation de pose dans les règles de l’art, le respect de la propriété privée des usagers lorsque le dispositif de comptage figure sur celle-ci et une juste et préalable information des usagers concernés par le déploiement. Plus encore, alors que la situation particulière des personnes qualifiées « d’électrosensibles » ou « d’électro hypersensibles » (EHS) a récemment été reconnue en jurisprudence , il incombe aux syndicats de bien s’assurer que la société Enedis tient compte de la situation des personnes concernées, notamment en installant, à ses frais, un filtre à leur domicile. Un syndicat vient pour la première fois d’accepter d’opérer ce contrôle dans le département des Hautes-Alpes. Un autre syndicat dans le département de l’Aveyron a mis le gestionnaire en demeure de produire une expertise sur un incendie dont le départ semble provenir d’un dispositif Linky. D’autres s’apprêtent à faire de même, souvent pour ne pas se trouver en situation de carence de leurs pouvoirs de contrôle susceptible d’engager leur responsabilité devant la juridiction administrative.

Un tel contrôle, qui vise seulement à surveiller les conditions de déploiement d’un bien devant faire retour aux syndicats en fin de concession, aurait pour mérite d’offrir une vision pleinement objective des conditions du déploiement et des risques existants afin de permettre, au besoin, de corriger les éventuels manquements.

 

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