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Le droit d'occupation du domaine public des concessionnaires de la distribution d'électricité et de gaz sanctuarisé

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Après un recours gracieux infructueux, les sociétés ERDF et GRDF, concessionnaires de la distribution publique d’électricité et de gaz naturel sur le territoire de la commune d’Orléans, ont déposé une requête aux fins d’obtenir l’annulation des articles 42 et 86 du règlement communal de voirie approuvé par délibération du conseil municipal d’Orléans du 12 avril 2013.

L’article 42 du règlement de voirie prévoyait une interdiction des travaux sur voirie neuve ou renforcée depuis moins de cinq ans ou sur les voiries ayant subi un traitement de surface depuis moins de cinq ans, tout en ménageant des autorisations exceptionnelles. Il précisait en outre, s’agissant des travaux en urgence, qu’une autorisation pouvait être donnée à la suite d’un examen attentif d’une demande motivée et pertinente. L’article 86 contenait pour sa part des prescriptions techniques relatives à la façon dont les réfections de voirie devaient être opérées. Pour l’essentiel, les sociétés estimaient que ces articles leur imposer des prescriptions illégales lors de leur intervention sur le domaine public communal.

Le Tribunal administratif d’Orléans a fait droit à ces requêtes, annulant l’article 42 et les deuxième et troisième alinéa de l’article 86 (TA Orléans, 10 février 2015, ERDF GRDF, n° 1302887. 1302905). Saisi de ce jugement, la Cour administrative d’appel de Nantes a renvoyé au Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité posée par la commune appelante visant l’article L. 115-1 du code de la voirie routière (CAA Nantes, Ordonnance du 24 juin 2016, commune d’Orleans, n° 15NT01184 QPC). Le Conseil d’Etat ayant finalement refusé de transmettre cette question au Conseil constitutionnel (CE, 26 septembre 2016, Commune d’Orléans, n° 4010005), la Cour a finalement confirmé au fond le jugement du Tribunal administratif (CAA Nantes, 30 janvier 2017, Commune d’Orléans, n° 15NT01184).

L’on sait que l’occupation des voies publiques pour l’exécution de travaux sur le réseau public de distribution d’électricité ou de gaz naturel fait l’objet d’un régime spécifique. S’agissant de l’électricité, celui-ci a été mis en place par l’article 10 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, désormais codifié à l’article L. 323-1 du Code de l’énergie. Ainsi, selon l’article L. 323-1 du Code de l’énergie « la concession de transport ou de distribution d'électricité confère au concessionnaire le droit d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages en se conformant aux conditions du cahier des charges, des règlements de voirie et des décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11, sous réserve du respect des dispositions du code de la voirie routière, en particulier de ses articles L. 113-3 et L. 122-3. (…) ». Des dispositions similaires existent s’agissant de la distribution publique de gaz naturel.

Ce régime particulier est intégré dans le Code de la voirie routière. Les concessionnaires de la distribution publique d’électricité et de gaz naturel disposent ainsi d’un titre permanent leur permettant d’occuper le domaine public routier afin d’y exécuter les travaux nécessaires à l’entretien ou à l’établissement des ouvrages de réseau. Néanmoins, le législateur a expressément subordonné l’exercice du droit d’occupation du domaine conféré à ces concessionnaires au respect des conditions posées par les règlements de voirie adoptés au niveau décentralisé. Plus spécifiquement, l’article L.115-1 du code de la voirie routière est dédié au pouvoir du maire dans les agglomérations. Celui-ci a la mission d’assurer la coordination des travaux affectant le sol et le sous-sol des voies publiques et de leurs dépendances. A cette fin, les concessionnaires et occupants de droit doivent lui communiquer le programme des travaux qu’ils envisagent de réaliser ainsi que le calendrier de leur exécution. Le maire doit porter à leur connaissance les projets de réfection des voies communales et établir le calendrier des travaux dans l’ensemble de l’agglomération en le notifiant aux services concernés. Il est clairement prescrit que « le refus d’inscription fait l’objet d’une décision motivée, sauf lorsque le revêtement de la voie, de la chaussée et des trottoirs n’a pas atteint trois ans d’âge » et qu’en cas d’urgence avérée, les travaux « peuvent être entrepris sans délai ». On précisera, en outre, que le préfet peut passer outre la décision du maire de refuser ou de reporter la tenue de certains travaux, pour un motif d'intérêt général ou en cas d'urgence. Les pouvoirs du maire sont ainsi strictement encadrés.

Devant la Cour administrative d’appel, la Commune d’Orléans a entendu contester les dispositions des alinéas 2, 4 et 7 de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière par le truchement d’une question prioritaire de constitutionnalité. Le président de la chambre saisie au fond a renvoyée cette question au Conseil d‘Etat en estimant qu’était sérieuse la question de savoir si les dispositions en cause étaient conformes à la fois au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration de 1789 et à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l’article 72 de la Constitution. Dans sa décision précitée du 26 septembre 2016, le Conseil d’Etat a confirmé la validité de ces dispositions. Il a en effet jugé que si elles « apportent des limitations au droit que les collectivités territoriales ont de disposer de leurs biens, elles répondent à la nécessité de concilier ce droit avec l'objectif d'intérêt général tenant à ce que les propriétaires, affectataires ou utilisateurs des voies en cause, et notamment les concessionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz, ne subissent pas des contraintes excessives dans l'exercice de leur activité ». Par conséquent, elles sont justifiées par la poursuite d’un objectif d’un intérêt général et proportionnées, un raisonnement similaire étant tenu pour l’atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
Ce faisant, le Conseil d’Etat a érigé au rang d’objectif d’intérêt général les buts poursuivis par la loi, offrant à celle-ci une nouvelle justification à sa jurisprudence tatillonne veillant à ce que les sujétions imposées par les règlements de voiries ne portent pas une atteinte excessive aux droits des concessionnaires (CE, 13 mars 1985, Ministre des transports, Rec., p. 78 ; CE, 3 juin 1988, E.D.F. G.D.F, Rec., p. 226 ; CE, 12 avril 1995, Département des Landes, n° 144346). Et c’est dans la droite ligne de cette jurisprudence que la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé le litige au fond.

Elle a confirmé le jugement du Tribunal administratif d’Orléans. La solution rendue par la Cour n’a, il faut bien le dire, rien d’original. Par son orthodoxie dans l’interprétation de la loi, elle semble cependant fermer l’ouverture qu’avait pu laisser entrevoir un jugement du Tribunal administratif d’Orléans validant les dispositions d’un règlement de voirie départemental faisant peser sur les sociétés concessionnaires de la distribution publique d’électricité et de gaz naturel la responsabilité de travaux de désamiantage lorsqu’elles interviennent sur le domaine public départemental (TA Orléans, 27 janvier 2016, ERDF / GRDF, n° 1404619 et 1404620) . Désormais fondé sur un objectif d’intérêt général, donc ayant les honneurs d’une interprétation finaliste de la loi, le droit des concessionnaires apparaît plus que jamais protégé. Ce qui devrait inciter les collectivités à la plus grande prudence dans la rédaction future de leurs règlements de voirie.

 

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