Précisions sur le statut des biens affectés par la société ERDF aux concessions de distribution d'électricité
L’arrêt Commune de Douai est venu clore un litige désormais bien connu en apportant d’importantes précisions sur le régime juridique de certains biens des concessions de distribution publique d’électricité.
Le litige dont il est question est relatif à la concession de distribution publique d’électricité liant la commune de Douai à la société ERDF. Il concernait des immeubles à usage de bureaux et des maisons d’habitation situés sur le territoire de la commune et pour lesquels celle-ci avait refusé de répondre aux déclarations d’aliéner déposées par son concessionnaire. En effet, elle regardait ces biens comme constituant des biens de retour au sens de l’article 22 du cahier des charges de la concession, relatif aux modalités de reprise des installations en fin de concession, donc incessibles car faisant partie de son domaine public.
Le Conseil d’Etat a validé la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Douai, à savoir qualifier les biens litigieux de biens propres de la société ERDF.
En premier lieu, le Conseil d’Etat a relevé que pour qualifier de biens propres de la société ERDF les logements objet de la demande, la Cour ne s’est pas fondé « sur la dernière affectation donnée par le concessionnaire à ces biens mais a estimé, cette appréciation valant pour toute la durée de la concession, qu’eu égard à la circonstance qu’ils pouvaient être attribués à des agents indépendamment de tout lien avec les fonctions qu’ils exerçaient au sein de la société et, en particulier, indépendamment de tout lien avec la concession de distribution d’électricité de Douai, ils n’étaient pas indispensables à l’exploitation de la concession ». Le Conseil d’Etat s’est ainsi placé dans sa jurisprudence optant pour une approche pragmatique du caractère indispensable du bien, celui-ci n’étant pas déterminable abstraitement à partir des stipulations contractuelles mais concrètement en fonction de l’exécution du contrat. Il a confirmé ce point à propos de biens meubles acquis par un délégataire pendant l’exécution du contrat mais devenus indispensables au fonctionnement du service public (CE, 5 février 2014, Sociétés Equalia et Polyxo, n° 371121). Récemment, le Conseil d’Etat a ajouté qu’à l’inverse, un bien indispensable – ou nécessaire – au service public exploité qui perdrait cette caractéristique – par essence factuelle – en cours d’exécution du contrat ne perdrait pas pour autant sa qualité de bien de retour, sauf stipulation contractuelle contraire. Ainsi, la destruction d’un bien qui a été indispensable au service public ne saurait lui faire perdre sa nature juridique ; faute de pouvoir faire retour au patrimoine du concédant, il devra alors faire l’objet d’une indemnisation (CE, 26 février 2016, Syndicat mixte de chauffage urbain de la Défense, n° 384424).
En second lieu, le Conseil d’Etat a estimé que pour définir le régime juridique des biens affectés aux concessions de distribution publique d’électricité, il est nécessaire « de tenir compte des spécificités du régime de ces concessions, qui résultent (de la loi) ». Selon le Conseil d’Etat, « il découle de ces spécificités que les biens affectés en vertu de ces dispositions concurremment à plusieurs concessions de service public de distribution d’électricité et, le cas échéant, également à des concessions de distribution de gaz par la société ERDF en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, demeurent la propriété de cette dernière, à laquelle il revient d’assurer la cohérence du réseau de ses concessions et de maintenir la péréquation des tarifs d’utilisation du réseau public de distribution ». Il en a tiré pour conséquence que les biens en litige « ne sauraient être la propriété des différentes collectivités territoriales ou des différents établissements publics de coopération qui concluent avec cette société les contrats de concession propres aux territoires qu’ils administrent ».
On notera également que la décision commentée est intéressante s’agissant du second moyen de cassation de la commune requérante. Le Conseil d’Etat a en effet confirmé que le concessionnaire est tenu, pour permettre à l’autorité concédante d’exercer son contrôle sur le service public concédé, de lui communiquer, à sa demande, toutes informations utiles, notamment un inventaire précis des ouvrages de la concession qui « doit inclure l’ensemble des biens affectés à la concession ». Il a donc estimé que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant conforme aux obligations de la société ERDF de ne transmettre qu’un inventaire des biens nécessaires au fonctionnement du service public de distribution d’électricité sur le territoire de la commune. Cette solution, qui ressortait déjà clairement du premier arrêt Commune de Douai lu à la lumière des conclusions de B. Dacosta, vise à faciliter et renforcer le contrôle de l’autorité concédante sur le patrimoine de la concession.