Confirmation de la gratuité des normes techniques rendues obligatoires
Aux termes de l’article 1er du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009, la normalisation est « une activité d'intérêt général qui a pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, portant sur des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations. Elle vise à encourager le développement économique et l'innovation tout en prenant en compte des objectifs de développement durable".
Le décret n° 82-167 du 16 février 1982, édicté sur le fondement de l’article R. 4544-1 du Code du travail, est relatif à la sécurité des travailleurs contre les dangers d’origine électrique lors des travaux de construction, d'exploitation et d'entretien des ouvrages de distribution d'énergie électrique, travaux désormais régis par le Code de l’énergie et plusieurs textes réglementaires. Ce décret est donc spécifique aux travailleurs théoriquement les plus exposés à ces dangers. Son article 4 prévoit que « l'employeur est tenu de se conformer aux prescriptions d'un ou de plusieurs recueils d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique correspondant aux travaux à effectuer et à leur mode d'exécution ; ce ou ces recueils doivent être approuvés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'énergie électrique et du ministre chargé du travail ». C’est sur le fondement de ces dispositions que l’arrêté querellé du 19 juin 2014 est venu modifier l'arrêté du 17 juin 1989 et approuver le recueil UTE C 18-510-1 issu de la norme NF C 18-510. Ce faisant, l’arrêté querellé visait à imposer aux employeurs le respect de la norme NF C 18-510 dès lors que celle-ci était reprise par le recueil UTE C 18-510-1 à l’exception des dispositions n’entrant pas dans le champ de l’article 4 du décret du 16 février 1982. La requérante faisait néanmoins valoir qu’à défaut d’avoir été signé par le ministre chargé de l’industrie, comme l’exige l’article 17 du décret du 16 juin 2009, l’arrêté querellé était illégal.
C’est l’Association française de normalisation (AFNOR) et les organismes agréés par le ministre chargé de l'industrie comme bureaux de normalisation sectoriels qui assurent la normalisation et sa promotion. Si l’AFNOR est une personne privée, elle gère néanmoins un service public (CE, 8 mars 002, SARL Pletac échafaudages, n° 210043). S’agissant de la valeur juridique des normes techniques, l’article 17 du décret du 16 juin 2009 précise qu’elles sont d’application volontaire. Il ajoute cependant qu’elles peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie. Dans ce cas, elles doivent être consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation. Il s’agit d’une précision importante car l’association commercialise usuellement les normes qu’elle homologue.
Le Conseil d’Etat avait déjà jugé, dans un arrêt précité Société Tekimmo (CE, 20 novembre 2013, Société Tekimmo, n° 354752) qu’une réglementation qui avait pour effet, compte tenu de l’ampleur des renvois effectués à une norme technique, d’en imposer le respect sans qu’elle ait été rendue gratuitement accessible, était illégale. La solution de cet arrêt, qui portait sur des normes techniques relatives aux installations intérieures d’électricité, est ici pleinement confirmée, mais surtout confortée. En effet le Conseil d'Etat décide que les dispositions du décret du 16 février 1982 ne pouvaient « être regardées comme ayant pour objet ou pour effet de déroger aux dispositions du troisième alinéa de cet article qui prévoit, dans le respect de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité de la règle de droit, que les normes dont l’application est rendue obligatoire doivent être consultables gratuitement ». L'arrété est donc annulé dès lors que ni le recueil UTE C 18-510-1, ni la norme NF C 18-510 n’avaient fait l’objet d’aucune mesure de publicité et n’était accessible que par acquisition, à titre onéreux, auprès de l’Association française de normalisation à la date de l’édiction de l’arrêté