Réglement du litige entre RTE et la SNCF
La loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui a organisé le passage d'EDF au statut de société anonyme, a également prévu la création de la société Réseau de transport d’électricité (RTE) à laquelle fut confiée la gestion du réseau public de transport d’électricité. L’article 9 de la loi a prévu le transfert à cette société des ouvrages et biens de toute nature dont EDF était propriétaire en matière de transport d’électricité. Ce transfert de propriété a eu lieu à la date d’entrée en vigueur de la loi.
Parallèlement, l’article 10 de la loi a prévu que « les ouvrages relevant du réseau public de transport d'électricité à la date de publication de la présente loi mais n'appartenant pas à Electricité de France sont, le cas échéant après déclassement, transférés à titre onéreux à la société (RTE), dans le délai d'un an à compter de la création de cette société ». Cet article précisait que les différends en la matière seraient tranchés par une commission de trois membres présidée par un magistrat de la Cour des comptes, avec la possibilité « d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative ». Cette commission a été mise en place par le décret n° 2008-502 du 28 mai 2008 relatif au mode de désignation des membres de la commission instituée par l'article 10 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Elle n’a rendu qu’une seule décision, datée du 9 juillet 2009, portant sur le transfert à RTE des ouvrages dont la société SNCF était propriétaire. En effet, l’article 19 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs avait transféré à l’établissement public SNCF la propriété des ouvrages de réseaux alimentant certaines lignes ferroviaires.
C’est dans ce cadre qu’un litige est né entre RTE et la SNCF sur la consistance et la valeur des biens de la SNCF devant être acquis par RTE. La SNCF demandait au Conseil d’Etat l’annulation de la décision rendue par la commission et sollicitait le transfert à RTE de l'ensemble des ouvrages de transport public d'électricité dont elle était propriétaire, y compris ceux que la Commission avait exclus du transfert, ainsi que la détermination de la valeur de l'ensemble des biens transférés à la société RTE.
Dans sa décision contestée, la commission avait retenu que les biens à partager étaient constitués par l’ensemble des ouvrages de la SNCF décrits dans un inventaire partagé établi le 11 juin 2009 à l’exception de certains biens. Dans sa première décision, le Conseil d’Etat a retenu que tous les ouvrages décrits dans l’inventaire devaient être intégrés dans le transfert à titre onéreux. Il s’agissait tout d’abord des ouvrages dont la société RTE jouissait de fait depuis une convention conclue en 1989 entre les parties sans que celle-ci n’organise un transfert effectif de propriété. L’arrêt prévoyait cependant que le coût de certains travaux réalisés sur ceux-ci par la société RTE devait être déduit du prix dû au titre de ce transfert.
Il incluait également la partie des câbles souterrains alimentant les sous-stations de Bercy et Ouest ceinture d’une longueur de 13,4 kilomètres en considérant que ces câbles faisaient partie du réseau de transport d’électricité au sens des textes en vigueur. La loi du 9 août 2004 a procédé à la répartition des ouvrages de réseaux d’acheminement de l’électricité entre le réseau de transport d’électricité, jusqu’alors exploité par EDF, et les réseaux public de distribution d’électricité qui sont restés sous la compétence d’EDF – à laquelle ERDF s’est, depuis, substituée. La consistance du réseau de transport et des réseaux de distribution est définie respectivement à l’article 12 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de l’électricité, codifié aux articles L. 321-4 et L. 321-5 du Code de l’énergie et à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. Le décret n° 2005-172 du 22 février 2005 définissant la consistance du réseau public de transport d'électricité et fixant les modalités de classement des ouvrages dans les réseaux publics de transport et de distribution d'électricité a été édicté afin de fixer les modalités de classement des ouvrages entre ces deux catégories de réseaux.
Au sens de l’article 1er de ce décret : « I. - Le réseau public de transport d'électricité assure les fonctions d'interconnexion des réseaux publics de distribution entre eux et avec les principales installations de production et les fonctions d'interconnexion avec les réseaux de transport d'électricité des pays voisins. II. - Le réseau public de transport permet également le raccordement, dans les conditions mentionnées à l'article 14 de la loi du 10 février 2000 susvisée, des consommateurs finals qui ne peuvent pas être alimentés par un réseau public de distribution ». Le Conseil d’Etat s’est appuyé sur le II de ces dispositions pour juger que les ouvrages en cause « sont en haute tension et permettent le raccordement des installations électriques de Réseau ferré de France (RFF) », ce denier ayant la qualité de consommateur final ne pouvant être directement alimenté par le réseau public de distribution d’électricité.
Comme le relevait F. Aladjidi dans ses conclusions sur la première décision, les biens en cause étaient pour la plupart anciens, les infrastructures des ouvrages de passage et les lignes aériennes ayant été mise en service en moyenne en 1939 et 1944. La question de la durée de vie des biens se posait donc avec acuité. Malgré de multiples analyses, c’est finalement la durée de 90 ans qui a été retenue par la Commission.
Ainsi, la consistance des biens devant être transférés constituait une question d’ordre purement juridique.
Dans sa seconde décision le Conseil d'Etat a jugé qu’il résultait du rapport de l'expert nommé « dont les parties ne contestent ni la méthodologie ni les conclusions, et des résultats des méthodes usuelles d’évaluation d’actifs, notamment celles fondées sur la valeur patrimoniale, sur les transactions et données comparables et sur la valeur actualisée nette, versés au dossier de l’expertise, qu’il y a lieu de fixer la valeur de ces ouvrages, au 1er mai 2010, à 129 millions d’euros ». Il a ainsi réformé la décision contesté tant s’agissant de la consistance des biens à transférer que de leur valeur.