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Précisions sur l’obligation d’achat d’électricité produite à partir d’énergie renouvelables

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Les dispositions de l’article L. 314-1 du Code de l’énergie prévoient au 2° de cet article une obligation d’achat de l’électricité produite par « les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables », en renvoyant à un décret en Conseil d’Etat la fixation des limites de puissance installée de ces installations, limites qui doivent être fixées pour chaque catégorie d'installation.

Elles prévoient également, au 6° de cet article une obligation d’achat de l’électricité produite par « les installations qui valorisent des énergies de récupération dans les limites et conditions définies au présent article, notamment au 2° ».

Société spécialisée dans le traitement et l’élimination des déchets non dangereux, la société Pneutech souhaitait créer une centrale thermique produisant de l’électricité à partir de la combustion de biomasse et bénéficier à cette occasion du dispositif d’obligation d’achat au titre des installations utilisant des énergies renouvelables. Elle s’est néanmoins vu opposer par l’administration des dispositions réglementaires figurant à l’article 2 du décret n° 2000-1196 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité et dans un arrêté du 27 janvier 2001 restreignant le bénéfice de l’obligation d’achat aux installations utilisant plus de 50 % de biomasse.

La société sollicita alors des autorités compétentes l’abrogation de ces dispositions, qu’elle estimait illégales. En outre, pensant également pouvoir bénéficier pour le même projet de l’obligation d’achat au titre des installations valorisant les énergies de récupération, elle sollicita du Premier ministre l’édiction du décret fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par ces installations. Des décisions implicites de rejet lui ayant été opposées, elle a saisi le Conseil d’Etat de requêtes tendant à voir annuler d’une part le refus d’abroger les dispositions restreignant le bénéfice de l’obligation d’achat aux installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par la biomasse et d’autre part le refus d’édicter le décret permettant l’application du dispositif d’obligation d’achat au titre des installations valorisant les énergies de récupération.

1) Selon la société requérante, en restreignant le bénéfice de l’obligation d’achat aux installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par la biomasse, le pouvoir réglementaire avait violé les dispositions de l’article L. 314-1 du Code de l’énergie. En effet, selon la société requérante, les dispositions du 2° de cet article, si elles renvoient bien à un décret en conseil d’Etat, ne le font que s’agissant des limites de puissance installée. Cette argumentation était développée à l’appui de deux moyens qui se complétaient, à savoir l’incompétence du pouvoir réglementaire pour édicter ces dispositions et la violation de la loi et plus spécifiquement encore de la volonté du législateur.

Elle visait tout d’abord l’article 2 4° du décret du 6 décembre 2000 précisant que seules les installations utilisant « à titre principal, l'énergie dégagée par la combustion ou l'explosion de matières non fossiles d'origine animale ou végétale » peuvent bénéficier de l’obligation d’achat. Elle visait ensuite l’arrêté du 27 janvier 2011, pris en application des dispositions précitées du décret du 6 décembre 2000, principalement son annexe B précisant que la biomasse d’origine sylvicole est au nombre des ressources admissibles pour bénéficier du tarif de rachat d’électricité produite à partir de ces installations pour autant qu’elle représente une proportion minimale de 50 %. Cette argumentation va être rejetée par le Conseil d’Etat. En premier lieu, il va en effet estimer que pour déterminer, comme la loi l’y invitait, les limites de puissance installée, le pouvoir réglementaire pouvait préciser les caractéristiques des installations concernées. Dès lors, le décret du 6 décembre 2000 n’a pas excédé l’habilitation donnée par la loi en réservant aux installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par la combustion ou l’explosion de matières non fossiles d’origine animale ou végétale le bénéfice de l’obligation d’achat. En second lieu, il va juger que « la circonstance que le dispositif d’obligation d’achat prévu à l’article 10 de la loi du 10 février 2000 ait pour objectif de promouvoir le recours à des énergies respectueuses de l’environnement n’implique pas qu’il doive s’appliquer automatiquement ni à toute installation utilisant des énergies renouvelables ni à des installations n’utilisant que partiellement ces énergies ».

2) Si la société requérante invoquait également la méconnaissance du droit de l’union qui ne prévoit pourtant aucun mécanisme d’obligation d’achat pour l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, elle tentait surtout de mobiliser l’article 6 de la Charte de l’environnement disposant que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ». On rappellera qu’après que le Conseil constitutionnel a fait application de ces dispositions dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori des lois, dès 2005 (Décision n° 2005-514 DC du 28 avril 2005), le juge administratif a plusieurs fois reconnu que ces dispositions sont invocable à l’encontre d’un acte administratif (Voir notamment CE, 16 avril 2010, Association Alcaly et autres, n° 320667). En l’espèce, le Conseil d’Etat a rejeté un peu vite le moyen en jugeant de façon péremptoire que « les dispositions litigieuses, qui ont pour effet de promouvoir les installations dont les émissions de gaz à effet de serre sont les plus limitées et qui sont les plus respectueuses de l’environnement » ne pouvaient méconnaître « l’exigence de promotion du développement durable ne peut qu’être écarté ».

3) Les dispositions de l’article L. 314-1 2° du Code de l’énergie, issues de l’article 20 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, prévoient que le dispositif d’obligation d’achat s’applique aux installations valorisant des énergies de récupération. Le législateur a néanmoins prévu l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat afin de déterminer, pour chaque catégorie d'installations, les limites de puissance installée des installations de production pouvant bénéficier de l'obligation d'achat. C’est le refus implicite du Premier ministre d’édicter ce décret que contestait la société requérante.

Reprenant une formule jurisprudentielle désormais bien rodée, le Conseil d’Etat a réaffirmé que « l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi, hors le cas où le respect d’engagements internationaux de la France y ferait obstacle ». Ainsi, la jurisprudence imposant au gouvernement d’édicter les décrets nécessaires à l’application de la loi, le juge devait simplement se prononcer sur le fait de savoir si, en l’espèce, en l’absence d’intervention du décret, le dispositif d’obligation d’achat pouvait fonctionner. Or, selon le Conseil d’Etat, l’absence d’édiction du décret d’application de la loi a pour effet d’en paralyser l’application. Comme le relève M.-A. de Barmon dans ses conclusions, deux éléments essentiels à la mise en œuvre du dispositif font en effet défaut, à savoir d’une part « la définition des énergies de récupération concernées » et d’autre part « les conditions techniques permettant de bénéficier de l’obligation d’achat, incluant a minima les limites de puissances des installations éligibles (…) et le tarif d’achat de l’électricité produite ».

Ainsi, à défaut de la formulation par le gouvernement de motifs particuliers justifiant le retard pris dans l’édiction du décret litigieux, sa décision implicite refusant de l’édicter a été annulée par le juge qui a assorti cette annulation d’une injonction de prendre ce décret dans un délai d’un an.

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