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Validation de la contribution au service public de l’électricité

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La contribution au service public de l’électricité vise à compenser les charges résultant des obligations de service public qui recouvrent trois catégories de surcoûts correspondant à certaines missions de service public assurées par des opérateurs historiques de l'électricité. Ces trois catégories sont énumérées par l'article 4 du décret n° 2004-90 du 28 janvier 2004 relatif à la compensation des charges de service public de l'électricité.

Il s'agit des surcoûts liés à une obligation d'achat ou aux appels d'offres en métropole continentale, c'est-à-dire essentiellement le coût lié au tarif d'achat de l'électricité pour les installations de production d'électricité fonctionnant à partir des sources d'énergie renouvelable ; des surcoûts des producteurs et des fournisseurs liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental et enfin des surcoûts des fournisseurs liés aux dispositifs sociaux (notamment le tarif de première nécessité).

Saisie d’un jugement par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande de la Société Praxair tendant à la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la contribution au service public de l’électricité qu’elle a acquittée au titre des années 2005 à 2009 (TA Paris, 6 juillet 2012, SAS Praxair, n° 1105485), la Cour administrative d’appel de Paris a décidé, sur le fondement des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de saisir le Conseil d’Etat de plusieurs questions relatives à l’examen de ce dossier (CAA Paris, 17 mars 2015, Société Praxair, n° 12PA03983).

Précédemment, dans le cadre de la même instance, la Cour avait déjà transmis par ordonnance au Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 (CAA Paris, Ordonnance, 17 avril 2014, Société Praxair, n° 12PA03983) qui avait été transmise au Conseil constitutionnel par le Conseil d’Etat (CE, 16 juillet 2014, Société Praxair, n° 378033). Par une décision en date du 8 octobre 2014 (Décision n° 2014-419 QPC du 08 octobre 2014), le Conseil constitutionnel avait finalement jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution, permettant la reprise de l’instance.

Les questions auxquelles le Conseil d’Etat devait répondre, au nombre de sept, couvraient un vaste champ, concernant notamment le régime contentieux des réclamations tendant au reversement de la contribution au service public de l’électricité, qu’il s’agisse du délai de réclamation ou encore de l’autorité compétente pour en connaître. Mais pour l’essentiel, elles tendaient à faire juger, au fond, si la contribution devait être regardée comme partie intégrante de l’aide d’État que constitue l’achat de l’électricité produite par des installations utilisant une énergie renouvelable à un prix supérieur à sa valeur de marché. De ce point de vue, c’est une question de qualification de cette contribution au regard des règles du Droit de l’Union qui se trouve au cœur du litige et il appartenait au Conseil d’Etat de la trancher.

Pour l’essentiel, la contribution vise à financer les surcoûts liés aux obligations d’achat de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. Les dispositions de l’article L. 314-1 du Code de l’énergie (issues de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité) mettent en effet en place un mécanisme de garantie de vente de l’électricité produite par les installations utilisant des énergies renouvelables. Depuis 2003, le montant de la contribution est dû par les consommateurs finals d'électricité au prorata de l'électricité consommée. Sauf exception pour certains producteurs ou consommateurs, elle est acquittée par chaque consommateur à l’occasion du règlement de leur facture d’électricité. Elle est donc collectée par les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité ou par le fournisseur. La Caisse des dépôts et consignations gère l'ensemble de la collecte de la contribution par l’intermédiaire d’un fonds spécifique et elle reverse aux opérateurs du service public de l'électricité les sommes ainsi perçues au titre de la compensation des charges imputables aux missions de service public.

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que la contribution constituait « un impôt dont le contentieux est compris parmi le contentieux général des actes et des opérations de puissance publique » (CE, 13 mars 2006, Société Eurodif, n° 255333). Dans l’avis commenté, il a confirmé que cette contribution « constitue un impôt qui n'a le caractère ni d'un impôt direct, d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou d'une taxe assimilée, ni d'une contribution indirecte ou d'une autre taxe dont le contentieux est confié aux juridictions judiciaires par l'article L. 199 du livre des procédures fiscales ». Il en a tiré pour conséquence que « le contentieux de cet impôt est compris parmi le contentieux général des actes et des opérations de puissance publique et relève, à ce titre, de la juridiction administrative ». Ce faisant, il a ainsi confirmé la position du Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 8 octobre 2014. En effet, rejetant les moyens tirés de l’incompétence négative du législateur dans la détermination du taux, de l’assiette et des modalités de recouvrement de la contribution et de la rupture d’égalité devant les charges publiques, il en avait profité pour se référer expressément à la « jurisprudence constante » du Conseil d’Etat et du Tribunal des conflits relative à la compétence de la juridiction administrative pour connaître du contentieux de la contribution.

On relèvera néanmoins que là où le Conseil constitutionnel avait insisté sur le fait que la loi n’autorisait « ni le gestionnaire de réseau ni le fournisseur d’électricité à émettre un titre exécutoire » afin de récupérer la contribution, dans l’avis commenté, le Conseil d’Etat vient préciser que ces opérateurs, qui sont chargés de calculer le montant de cette contribution et de la percevoir, « doivent être regardés, compte tenu de la mission de service public qui leur est ainsi dévolue, comme des autorités administratives au sens de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000 ». Ce faisant, il a suivi son rapporteur public, F. Aladjidi, qui l’invitait à consentir un « effort » pour faire qualifier ces organismes de droit privé d’autorités administratives au sens des dispositions de l’article 20 de la loi du 12 avril 2000 relatives à l’obligation de transmission d’un document remis à une autorité administrative incompétente. Néanmoins l’essentiel de l’avis commenté se trouve ailleurs, à savoir dans l’application faite au fond des règles du droit de l’Union.

La requête introduite devant la juridiction administrative par la société requérante visait à obtenir la restitution, assortie d’intérêts moratoires, de la contribution au service public de l’électricité qu’elle avait acquittée au titre des années 2005 à 2009 au motif que celle-ci constituait, selon elle, « le volet financier d’un mécanisme d’aide d’Etat au profit des producteurs d’électricité “verte” » qui aurait dû faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La requête avait été rejetée par le Tribunal administratif de Paris dans son jugement du 6 juillet 2012, mais ce dernier a fait l’objet d’un appel.

Parallèlement à ce litige, saisi d’une requête tendant à l’annulation des arrêtés fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent, le Conseil d’Etat avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle portant sur la possibilité de qualifier le mécanisme d’obligation d’achat de cette énergie d’aide d’Etat. Tirant les conséquences de la réponse que la Cour de justice de l’Union européenne avait apportée à cette question (CJUE, 19 décembre 2013, Association Vent de colère !, aff. C-262/12), le Conseil d’Etat a estimé, dans un arrêt Association Vent de colère ! (CE, 28 mai 2014, Association Vent de Colère !, n° 324852), que l’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marché avait le caractère d’une aide d’État. En conséquence, il a annulé les arrêtés contestés par l’association requérante. Si cette qualification d’aide d’état avait pour conséquence une obligation de notification préalable du dispositif à la Commission européenne, il ne préjugeait cependant pas de la compatibilité de ce dispositif aux règles du droit de l’Union. De fait, par une décision du 27 mars 2014, la Commission européenne avait déclaré cette aide, qui lui avait finalement été notifiée le 11 octobre 2013, compatible avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Toutefois, l’absence de notification pouvait ne pas être sans conséquence juridique, notamment sur la contribution effectivement acquittée durant les années antérieures qui finançait pour partie ce dispositif. Dans une Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 28 mai 2014 portant communication sur la contribution au service public de l’électricité, celle-ci affirmait que l’annulation du tarif d’achat éolien de 2008 ne donnait pas droit à un remboursement de la contribution acquittée faute de lien d’affectation contraignant. En effet, la Cour de justice avait clairement défini dans sa jurisprudence les conditions que devait remplir une taxe pour être considérée comme faisant partie intégrante d'une d'aide d’Etat. Il est nécessaire qu’existe « un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide et influence directement l'importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun » (CJCE, 22 décembre 2008 Société Régie Network, aff. 333/07). L’office du Conseil d’Etat dans l’avis commenté consistait donc à examiner si, au regard de cette définition, le lien existant entre la contribution au service public de l’électricité et le mécanisme d’aide aux installations de production d’électricité utilisant l'énergie mécanique du vent pouvait être qualifié de lien d’affectation contraignant. Dans ce cas, il devait également déterminer si le défaut de notification de ce dispositif avant 2013 ouvrait un droit à restitution de la contribution collectée et quelles conséquences il convenait d’en tirer pour les autres dispositifs similaires n’ayant fait l’objet d’aucune notification.

Afin de répondre à ces questions, le Conseil d’Etat s’est fondé sur les textes instaurant la contribution au service public de l’électricité pour juger que « le montant de l'aide d'Etat que constitue l'obligation d'achat à un prix supérieur à sa valeur de marché de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent, ainsi que, le cas échéant, par les installations utilisant d'autres énergies renouvelables, lequel correspond à la différence entre le tarif de rachat par les acheteurs obligés et le coût évité à ces acheteurs, lié à l'acquisition de l'électricité correspondante, ne dépend pas, en vertu de la règlementation applicable, du produit de la contribution au service public de l'électricité ». Il a ajouté que « la contribution collectée, dont le tarif, à défaut d'arrêté du ministre chargé de l'énergie, était reconduit chaque année jusqu'à l'intervention de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, et ne peut depuis lors augmenter de plus de 0,003 euros par kilowattheure par an en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 10 février 2000 reprises à l'article L. 121-9 du code de l'énergie, n'est pas suffisante pour couvrir les charges de service public en cause, la différence cumulée entre les charges à compenser et la contribution collectée s'élevant, au 31 décembre 2014, à 4,8 milliards d'euros. Cette différence porte d'ailleurs intérêt à un taux fixé par décret en application de l'article L. 121-19-1 du code de l'énergie ». Ainsi, il a pu en conclure que « le produit de la contribution au service public de l'électricité n'influence pas directement l'importance des aides en cause, qui ne sont pas accordées dans la limite des recettes escomptées de cette contribution ». Celle-ci ne peut donc être qualifiée de partie intégrante des aides en cause, qu’il s’agisse de l’aide à l’électricité produite par éolienne ou plus généralement des aides à toutes les électricités produites à partir d’énergies renouvelables. 

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