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Transfert des sous-contrats en cas de résiliation des contrats portant transfert d’un service public

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Les incidences de la résiliation des contrats administratifs sur les sous-contrats conclus par le cocontractant de l’administration ont été peu explorées par la jurisprudence administrative. Récemment, par un arrêt Commune de Propriano , le Conseil d’Etat est venu synthétiser et généraliser les solutions utilisées en pratique s’agissant de la résiliation des contrats portant transfert d’une activité de service public

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Il était saisi d’un litige opposant la Commune de Propiano, qui s’est vu concéder par l’Etat l'établissement et l'exploitation du port de pêche et de plaisance situé sur son territoire, et un usager du port. Celui-ci avait souscrit un contrat de garantie d’usage d’un poste d’amarrage de longue durée, conclu avec la société Yacht club international du Valinco, à laquelle avait été subdéléguée la construction et l’exploitation du port de plaisance et de pêche. A la suite de la déchéance de la délégation prononcée par la Commune, cet usager a saisi sans succès la Commune de Propriano d’une demande tendant à l’indemnisation du préjudice subi du fait de la non-exécution du contrat de garantie d’usage. Infirmant le jugement du Tribunal administratif de Bastia, la Cour administrative d’appel de Marseille a condamné la Commune de Propriano à payer au requérant la somme de 55 000 euros en estimant que la Commune ne pouvait se prévaloir des stipulations de la convention de délégation de service public aux termes desquelles « (…) Lorsque la déchéance est prononcée, le concessionnaire [soit en, l’espèce, la Commune] est tenu de se substituer au délégataire [ici la société Yacht club international du Valinco] pour l’exécution des engagements normalement pris par celui-ci vis-à-vis des tiers pour l’achèvement des travaux et l’exploitation » , qui n’étaient pas opposables aux usagers du service public. Elle en a tiré pour conséquence que la Commune était substituée à son délégataire déchu dans les engagements souscrits par celui-ci.

Saisi de cet arrêt par la voie de la cassation, le Conseil d’Etat a jugé « sans préjudice des dispositions législatives applicables notamment en matière de transfert de contrat de travail, qu’en cas de résiliation d’un contrat portant exécution d’un service public, quel qu’en soit le motif, la personne publique, à laquelle il appartient de garantir la continuité du service public et son bon fonctionnement, se substitue de plein droit à son ancien cocontractant pour l’exécution des contrats conclus avec les usagers ou avec d’autres tiers pour l’exécution même du service ; qu’il n’en va toutefois ainsi que si les contrats en cause ne comportent pas d’engagements anormalement pris, c’est-à-dire des engagements qu’une interprétation raisonnable du contrat relatif à l’exécution d’un service public ne permettait pas de prendre au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d’exécution ou de leur durée, à moins que, dans ce cas, la personne publique n’ait donné, dans le respect de la réglementation applicable, son accord à leur conclusion ; que, pour l'application de ces règles, la substitution de la personne publique n’emporte pas le transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats conclus par l’ancien cocontractant de la personne publique, qu’il s’agisse des contrats conclus avec les usagers du service public ou de ceux conclus avec les autres tiers ».

Affirmant le principe de substitution de la personne publique pour les engagements normalement pris pour l’exécution du service (I), le Conseil d’Etat refuse le transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats (2).

I. La substitution de la personne publique pour les engagements de son cocontractant normalement pris pour l’exécution du service

A travers un considérant de principe, le Conseil d’Etat a entendu dégager des règles applicables à l’ensemble des contrats portant transfert d’une activité de service public dans le silence de ceux-ci.

1) Le principe

Le Conseil d’Etat pose un principe, celui de la substitution de plein droit de la personne publique à son ancien cocontractant pour l’exécution des contrats conclus avec les usagers du service ou d’autres tiers pour l’exécution même du service, tout en réservant une exception liée à l’existence de dispositions législatives contraires. Ainsi, en cas de résiliation, qu’elle soit prononcée pour faute du cocontractant ou par un motif d’intérêt général, la personne publique se trouve automatiquement substituée au cocontractant dans l’exécution de ses engagements conclus pour l’exécution du contrat. La résiliation n’est donc pas un motif de caducité de ces engagements. La substitution par l’effet de la décision de la personne publique délégante entraine le transfert de l’intégralité des droits et obligations « pour l’exécution des contrats conclus ». Cette substitution n’opère ainsi aucune modification dans le rapport d’obligations et c’est bien l’universalité des obligations du sous-contrat qui sont transférés. L’effet relatif des engagements pris par le cocontractant de la personne publique est ainsi neutralisé.

Le principe de la substitution de plein droit de la personne publique pour l’exécution des contrats conclus par le cocontractant est explicitement justifié par référence à la nécessité de garantir la continuité et le bon fonctionnement du service public. De ce point de vue, la solution est destinée à protéger les moyens de poursuite du service qu’il fasse l’objet d’une nouvelle délégation contractuelle ou qu’il soit repris en régie. Cela explique que le motif de la résiliation n’entre pas en ligne de compte. On peut également penser qu’elle est inspirée par le souci d’assurer la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles. La mention des exceptions au principe posées par la loi renvoie notamment à l’article L. 1224-1 du Code de travail qui trouve particulièrement à s’appliquer en cas de changement de titulaire des délégations de service public.

Néanmoins, la condition posée à la substitution de plein droit révèle le souci du juge de préserver les intérêts de la personne publique.

2) La condition

La substitution ne s’opère qu’à la condition que les contrats en question n’aient pas été anormalement pris. La personne publique n’est donc pas tenue par les engagements pris par son cocontractant en violation du contrat portant exécution du service public.

Sont réputés normalement pris les engagements du cocontractant qui n’excèdent pas le périmètre du contrat. Le Conseil d’Etat réserve néanmoins le cas des sous-contrats conclus avec l’accord formel de la personne publique. Pour le reste, la personne publique a donc la faculté d’opérer un contrôle de la régularité des engagements souscrits par le délégataire. Et pour ce faire, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de vérifier que ceux-ci ne comportant pas d’engagements « qu’une interprétation raisonnable du contrat relatif à l’exécution d’un service public ne permettait pas de prendre au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d’exécution ou de leur durée ». Afin de juger quels sont les engagements qui, anormalement pris, ne peuvent bénéficier de la substitution de plein droit, le Conseil d’Etat a recours à une notion particulière, celle « d’interprétation raisonnable du contrat ». C’est à l’aune de celle-ci que pourront être évalués les différents engagements souscrits par le cocontractant de la personne publique. La notion d’interprétation raisonnable du contrat était initialement utilisée afin de déterminer le niveau de l’indemnité d’imprévision versée au concessionnaire de service public afin de l’aider à poursuivre l’exécution du service par exception à l’aléa d’exploitation qui reste à sa charge en cas d’imprévision . Elle fut également employée par le juge afin de déterminer les engagements d’un concessionnaire qui restaient à la charge du concédant après rachat du contrat .

Dans l’arrêt Commune de Propriano, le Conseil d’Etat en a fait application pour estimer que si la redevance versée par l’usager différait des conditions tarifaires prévues dans le contrat de délégation, cela était dû au caractère incomplet de la grille tarifaire comprise dans ce contrat. Par conséquent, la société délégataire avait simplement tiré les conséquences d’une grille tarifaire incomplète et n’avait pas conclu un engagement qu’une interprétation raisonnable du contrat ne lui permettait pas de prendre. En revanche, en ce que l’objet de ce contrat était l’affectation privative d’un poste d’amarrage et non le simple accès à un poste dans une zone du port, qui était la seule garantie d’usage pour laquelle le cocontractant pouvait s’engager, il ne pouvait être regardé comme un engagement que le cocontractant pouvait normalement prendre.

Pour autant, si substitution s’opère de plein droit, elle n’emporte pas transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats concernés.

II.- L’absence de transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats

En précisant que la substitution n’emporte pas le transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats conclus avec le cocontractant, le Conseil d’Etat s’est inspiré d’une pratique antérieure protectrice des intérêts pécuniaires de l’administration.

1) L’absence de double indemnisation

Comme le relèvait G. Pelissier dans ses conclusions, il résulte de la solution proposée que sont exclus du champ des engagements transférés ceux pris par le délégataire pour financer l'exploitation du service. En effet ceux-ci « s'ils permettent au délégataire d'exploiter le service délégué, ne relèvent pas de l'exécution de ce service. Ils ressortissent des moyens que le délégataire mobilise pour rendre le service délégué et non de l'exercice même du service, moyens qu'il assume toujours seul, qu'il soit substantiellement rémunéré par les résultats de l'exploitation ou par la personne publique ».

Dans un avis de 1977 , la section des travaux publics du Conseil d’Etat, saisie à titre consultatif, s’était déjà exprimée en ce sens. Elle avait estimé, s’agissant des concessions autoroutières, que les stipulations posant le principe d’une substitution de l’Etat pour les engagements pris par le concessionnaire devaient se comprendre comme ne visant que « les engagements dont l’objet direct est l’achèvement des travaux (marchés de travaux par exemple) ou l’exploitation (contrats de travail ou contrats d’occupation du domaine public par exemple), et non les engagements dont l’objet est un emprunt, le montant de celui-ci fut-il affecté à l’achèvement des travaux ou à l’exploitation ». Ainsi, les contrats d’emprunt ne se sont pas conclus pour les besoins du service. Ce alors même que les contrats de service public peuvent déléguer explicitement la mission de financement des ouvrages.

Cette solution empêche la personne publique d’indemniser à la fois le titulaire déchu au titre des encours des emprunts souscrits et de reprendre la charge desdits emprunts par le biais de la substitution. Néanmoins, en cas d’emprunt, le cocontractant résilié demeure indemnisé de l’encours de dette restant à rembourser soit directement – par l’effet d’une stipulation expresse – soit indirectement par le biais de la valeur nette comptable de l’ouvrage remis .

2) Une solution protectrice

L’arrêt Commune de Propriano s’inscrit dans un mouvement de la jurisprudence administrative tendant à synthétiser et à expliciter les règles relatives à la résiliation des contrats administratifs protectrices des intérêts et du patrimoine des personnes publiques. On sait qu’en cas de fin normale ou anticipée d’un contrat administratif – c’est-à-dire en cas de résiliation – la jurisprudence reconnaît qu’à l’indemnité due au titre des biens non amortis, à laquelle le cocontractant a droit quel que soit le motif de la résiliation , peut s’ajouter l’indemnisation d’autres préjudices subis par le concessionnaire du fait de la résiliation tel que le manque à gagner, « sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé » . Il a déjà été jugé en ce sens que si un concessionnaire peut, en cas de résiliation, prétendre à une indemnisation comprenant la rémunération du capital investi, est illégal le taux retenu calculé selon une méthode « erronée en droit » et sans lien avec les comptes spécifiques de la concession (CAA Nancy, 12 mai 2014, M. Mietkiewicz et autres, n° 13NC01303 et suivants).

En empêchant le transfert rétroactif des créances et des dettes échues et non encore honorées, la solution retenue par l’arrêt Commune de Propriano permet de préserver le patrimoine des personnes publiques. Malgré le principe du transfert automatique du sous-contrat, le juge réserve donc un garde-fou.

3) Une solution aux effets limités

L’apport de l’arrêt Commune de Propriano tient à la généralisation – en tant que principe « de plein droit » et même en l’absence de stipulations expresses – d’une pratique contractuelle préexistante. Toutefois, la solution de l’arrêt doit être relativisée dans sa portée pour deux raisons.

En premier lieu, il convient de relever que peu de litiges relatifs aux sous-contrats seront de la compétence de la juridiction administrative. En effet, en l’absence de présence d’une personne publique au moment de la conclusion du contrat, celui-ci sera, sauf si le délégataire est lui-même une personne publique, presque toujours passé entre deux personnes privée et relèvera de la compétence judiciaire. Ce n’est pas le cas du contrat en cause dans l’arrêt Commune de Propriano dès lors qu’il permettait l’occupation du domaine public portuaire.
En second lieu, si l’arrêt Commune de Propriano a permis de clarifier la jurisprudence sur le point de savoir si le transfert de créances pouvait valoir pour le passé , il convient de relever qu’en pratique, il nécessitera bien souvent l’introduction de clauses spécifiques dans les sous-contrats pour permettre le transfert effectif de ceux-ci sans contestation.

 

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