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Le refus d’étendre le recours Béziers II aux décisions de non reconduction des contrats administratifs

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La décision commentée confirme que la décision par laquelle l’administration ne renouvelle pas un contrat arrivé à son terme constitue une simple mesure d’application du contrat ne peut faire l’objet d’un recours dit Béziers II.

La société requérante avait conclu avec la commune de Languidic, propriétaire d’un château d’eau exploité comme réservoir d’eau potable par un délégataire de service public, une convention d’occupation en vue d’installer une antenne-relais au sommet du moulin et des équipements techniques au sol. Le contrat avait été conclu pour une durée de douze ans mais il était expressément précisé à son article 13 qu’il serait « renouvelé de plein droit par périodes de deux ans, sauf dénonciation par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, 6 mois avant la date d'expiration de la période en cours », laquelle dénonciation ne donnait lieu à aucune indemnité.

C’est par application de ces stipulations que, par un courrier du 28 novembre 2013 le président de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération, laquelle venait aux droits de la commune, a notifié à la société requérante la dénonciation de la convention à son terme normal. C’est cette décision de dénonciation du contrat que la société Orange a entendu contester devant la justice (ainsi qu’un second courrier la mettant en demeure de procéder au démontage des équipements, aspect de la décision commentée qui ne sera pas analysé ici) ; à cette fin, elle a saisi le Tribunal administratif de Rennes d’un recours dit Béziers II, c’est-à-dire un recours de plein contentieux ouvert par la décision Commune de Béziers du Conseil d’Etat (CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806) tendant à remettre en cause la validité de la mesure de dénonciation et à ce que la reprise des relations contractuelles soit ordonnée. Le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ce recours (TA Rennes, 6 novembre 2015, n°1400647, 1403785) par un jugement confirmé par la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 3 avril 2017, société Orange, n° 16NT00045).

La Cour avait estimé que la lettre du 28 novembre 2013 par laquelle l’administration a dénoncé la convention constituait « non pas une mesure de résiliation, mais une décision de non-reconduction de la convention à son échéance ». La société requérante n’était donc pas recevable à demander au juge du contrat d'ordonner la reprise des relations contractuelles en conséquence de la nullité alléguée de cette décision. Dans son pourvoi en cassation, la société requérante contestait ce raisonnement. Le Conseil d’Etat devait donc trancher la question de savoir si le recours de plein contentieux aménagé contre les mesures de résiliation afin de permettre la reprise des relations contractuelles pouvait également être exercé contre les mesures tendant à ne pas renouveler un contrat.

I. Dans l’arrêt précité Commune de Béziers, le Conseil d’Etat avait posé par un considérant de principe « qu'il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ».
Il avait ainsi mis fin à une vieille jurisprudence selon laquelle une mesure de résiliation constituait une mesure d’exécution du contrat qui ne pouvait voir sa validité remise en cause dans le cadre d’un recours objectif, la seule voie offerte au cocontractant étant le recours indemnitaire (CE, 24 novembre 1972, Société des ateliers de nettoyage, teinture et apprêts de Fontainebleau, Rec., p. 753). Cette jurisprudence reste toutefois applicable aux mesures d’application ou de modification du contrat qui demeurent insusceptibles de faire l’objet d’un recours contestant leur validité.
La grande idée du recours Béziers II est de permettre au cocontractant, lorsque la résiliation d’un contrat paraît injustifiée, de pouvoir la paralyser plutôt que d’être réduit à obtenir une indemnisation. Cette faculté est censée offrir plus de sécurité juridique aux cocontractants de l’administration et donc moderniser les relations entre les parties au contrat administratif. L’enjeu d’étendre ce recours à d’autres décisions administratives, comme celle de ne pas renouveler le contrat, est donc de favoriser la situation du cocontractant au détriment des prérogatives de l’administration contractante.

II. Il est fréquent que des contrats administratifs prévoient la possibilité pour les parties de ne pas les renouveler et cette faculté, qui est sans lien avec la résiliation, est stipulée à part. Pendant longtemps, la jurisprudence considérait que la décision de ne pas renouveler un contrat était une décision extra-contractuelle relevant du juge de l’excès de pouvoir (CE, 21 janvier 1983 Association Maison des jeunes et de la culture de Saint-Maur, Rec., p. 14). Plus récemment, le Conseil d’Etat avait jugé que le juge du contrat était compétent pour connaître de la contestation par le titulaire d'un contrat administratif de la validité d'une décision rejetant la demande de renouvellement du contrat qu'il a présentée en application de l'une de ses clauses (CE, 29 mars 2017, Office national des forêts, n° 403257). Mais il n’avait en rien tranché l’office du juge s’agissant dans cette espèce d’une procédure de référé.

De prime abord, la faculté de ne pas reconduire le contrat semble constituer une simple mesure d’application du contrat puisqu’elle dépend directement des stipulations contractuelles : l’administration intervient alors en exécution de celles-ci. On pourrait cependant relever que lorsque la résiliation est prononcée sur le fondement de stipulations contractuelles, il paraît en être de même. Pour autant, ces deux décisions ne peuvent être assimilées dès lors que la résiliation peut aussi intervenir en application des règles générales applicables aux contrats administratifs et ne pas dépendre des stipulations contractuelles. Mais surtout, les effets que génèrent ces deux décisions sont différents. C’est la raison pour laquelle le Conseil d’Etat a jugé dans la décision commentée que, s’agissant d’une décision de non reconduction du contrat, « eu égard à la portée d'une telle décision, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de mettre unilatéralement un terme à une convention en cours, le juge du contrat peut seulement rechercher si elle est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à une indemnité ». En conséquence le recours Béziers II n’est pas étendu à une mesure de non renouvellement qui est ainsi assimilée à une mesure d’application du contrat. Elle peut être la cause d’un recours de plein contentieux, mais uniquement indemnitaire.

Dans ses conclusions sur la décision commentée, le rapporteur public, R. Victor estimait « légitime que le juge dispose, en cas de résiliation, d’un levier pour contraindre l’administration, s’il l’estime nécessaire, à exécuter des engagements qu’elle a contractuellement souscrits et maintenir ainsi le contrat jusqu’à son terme, la compensation pécuniaire résultant de l’octroi d’une indemnité n’étant pas jugée suffisante », mais injustifié « d’investir le juge du pouvoir de maintenir la relation contractuelle contre la volonté de la partie publique au-delà du terme normal que les parties avaient elles-mêmes fixé comme celui marquant, en principe, la fin de leurs engagements respectifs ». En effet, par définition, la faculté de ne pas reconduire le contrat ne donne aucun droit acquis au cocontractant à la poursuite de la relation contractuelle. Là où la résiliation vient mettre un terme prématuré au contrat, la non-reconduction donne tout son effet au terme normal du contrat.

La solution retenue est en parfaite cohérence avec la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat. En effet, il a refusé notamment d’étendre le recours Béziers II aux décisions de modification unilatérale du contrat (CE, 15 novembre 2017, société les fils de mme Géraud, n° 402794). Ce type de décision est certes plus rare en pratique qu’une décision de non-reconduction mais son impact peut être très important sur les bonnes relations entre les parties. Le rapporteur public, O. Henrard, justifiait cette solution en estimant qu’une telle évolution « ne présenterait une utilité supérieure à l’indemnisation du cocontractant que dans des cas très marginaux » (Conclusions sur arrêt précité). De même, le Conseil d’Etat avait jugé que ne pouvait faire l’objet d’un recours Béziers II une décision n'ayant pas pour objet de résilier un marché à bons de commande mais d'interrompre l'exécution d'une prestation (CE, 25 octobre 2013, Région Languedoc-Roussillon c/Association Trajets, n° 369806).

Pour finir, il convient de préciser que les décisions de non-renouvellement (ou de refus de renouveler) génèrent un contentieux important. En effet, si, ainsi qu’on l’a vu, la décision de non renouvellement est juridiquement sans lien avec une résiliation, en pratique, il arrive dans certains cas que l’administration qui veut se séparer d’un cocontractant sans pour autant pouvoir justifier d’un motif d’intérêt général ou d’une faute utilise cette faculté, en désespoir de cause, parce que le contrat le lui permet, quitte à devoir attendre. C’est cette situation qui génère un important contentieux, les cocontractants réagissant rarement bien à ce type de mesure qu’ils envisagent, à tort ou à raison, comme une sanction. La solution retenue dans la décision commentée apparaît ainsi parfaitement logique en droit, mais il y a peu de chance qu’elle vienne tarir une source importante de contentieux, laquelle se portera désormais sur le terrain indemnitaire.

 

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